Souvent les entraineurs sportifs, et donc les pros de golf, parlent de mémoire musculaire. Mais de quoi parlons-nous ? Comment un muscle peut-il avoir une mémoire ?
Au début des années 1940, Percy Boomer, dans son unique ouvrage « On Learning golf », (Le Golf ) s’appuie sur son expérience d’enseignant au Golf de Saint-Cloud, près de Paris. Sur ce vécu, il bâtit une des premières méthodes d’enseignement du golf. Plusieurs fois il y parle d’une « mémoire musculaire » où se graveraient les gestes du jeu.
À cette époque personne ne fait la moindre remarque. L’aura de Boomer dans le petit univers du golf vaut infaillibilité. De plus, pour quelques années, le monde a d’autres préoccupations. Et rapidement, au sortir de la guerre cette idée d’une mémoire musculaire devient une évidence indiscutable dans les milieux sportifs.
Dans les années 1960-1970 quelques spécialistes du système nerveux affirment que pour exister, la mémoire a besoin de neurones et que ces derniers étant dans le cerveau, parler de mémoire musculaire n’a aucun sens.
Malgré ce verdict péremptoire, la notion n’en continua pas moins son chemin dans le monde du sport. Toute une philosophie de l’entraînement sportif s’est même établie sur cette idée que les muscles disposent d’une mémoire des mouvements qui leur sont enseignés.
Il y a quelques années des neurones ont été découverts dans l’intestin et dans le coeur. Aujourd’hui le développement des neurosciences nous permet d’envisager la notion de mémoire musculaire autrement qu’en terme d’adhésion/exclusion.
La mécanique de l’effort
Les muscles possèdent l’intéressante capacité de pouvoir se renforcer quasiment à la demande. Sous la pression d’une sollicitation intense et fortement répétitive, ils vont s’enrichir de nouveaux noyaux musculaires qui vont s’ajouter au patrimoine existant.
Sous l’effet d’un entraînement intensif et prolongé (volontaire ou non) un muscle va donc « grossir », non seulement en volume mais aussi en quantité de cellules musculaires.
Il était banal de penser que ces acquis disparaissaient si le muscle n’en avait plus besoin. Or des travaux menés par plusieurs équipes à l’Université du Massachusetts (USA) et à Oslo (Norvège) ont prouvé qu’il n’en était rien.
Après une longue période de sédentarité, même en cas d’atrophie des fibres musculaires, les noyaux acquis par l’effort peuvent récupérer taille et force rapidement. Il suffit de reprendre l’entraînement !
Pour nous sportifs, dit simplement, cela signifie qu’un entraînement n’est jamais perdu. Un acquis musculaire peut toujours se retrouver, même après un long arrêt.
Revers de la médaille, les noyaux acquis par dopage restent eux aussi. Ce qui veut dire qu’un sportif qui s’est un jour dopé ne pourra jamais se prétendre totalement propre. Même s’il a cessé ses mauvaises pratiques depuis longtemps. |
L’indifférence des gènes
Une équipe de l’Institut Karolinska à Stockholm (Suède) a voulu savoir si cet effet mémoire de la masse musculaire se retrouvait dans l’expression des gènes. Autrement dit la « commande » passée par les gènes pour aboutir à la production de molécules, comme des protéines, nécessaires au bon fonctionnement cellulaire est-elle modifiée dans le temps ?
Il est légitime de se poser la question dans la mesure où tout exercice physique active des gènes avec une persistance de plusieurs heures.
Il est donc tout à fait pertinent de se demander si l’entrainement conduit-il à des adaptations génétiques persistantes, capable d’expliquer l’augmentation de la masse musculaire ?
Au terme d’une expérimentation sur 23 personnes pendant un an les Suédois ont conclu qu’au niveau de l’expression des gênes les cellules musculaires ne gardent pas la mémoire des entraînements passés.
Sous l’effet de l’entraînement prolongé, le corps commence à fabriquer plus de protéines qui conduisent à plus d’adaptations sur le long terme par ajout de noyaux musculaires. Mais le retour de forme n’est pas induit par une modification dans le temps de la programmation des gènes activés.
Déception ? Oui et non ! Oui car on ne sait plus trop où se niche la mémoire musculaire. Non car ceux qui ne s’entraînaient pas ne sont pas génétiquement défavorisés s’ils veulent pratiquer un sport de manière tardive…
Dans la foulée de cette étude les chercheurs ont constaté que les cellules nerveuses, c’est à dire les neurones qui contrôlent le mouvement sont, elles capables d’apprendre dans quel ordre activer les muscles pour exécuter un mouvement : marcher, faire du vélo, exécuter un geste sportif.
Au final se poser la question de la mémorisation d’un geste en terme de localisation précise : muscle ou neurone n’a pas de sens. Le fonctionnement de notre corps ne se découpe pas en rondelles comme un saucisson. Il doit être appréhender dans un ensemble. Ce qui ne simplifie pas les choses.
Fonctionnement de la mémoire
Disons le tout de suite, en l’état actuel des connaissances personne ne sait expliquer de A à Z comment fonctionne la mémoire.
Plusieurs hypothèses sont avancées. De nombreuses expériences suggèrent que l’action de certaines protéines conduirait les neurones à s’organiser en chaînes qui par leur arrangement coderaient nos souvenirs.
On sait que ce codage interviendrait à plusieurs niveaux du cortex dont certaines structures sont chargées de recréer les liens pour constituer le souvenir. On connait aussi le rôle du sommeil dans ce processus.
Enfin une recherche conjointe menée par l’Institut interdisciplinaire de neuroscience de Bordeaux (France) et l’Institut Max Planck à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) a montré en 2019 que le renouvellement constant de certaines protéines dans le système nerveux central, cerveau+moelle pinéale (la moelle épinière), assurait la permanence de notre mémoire dans le temps.
Mais pour l’instant, personne n’imagine où et comment les muscles pourraient stocker quoi que ce soit ayant un rapport avec un souvenir, même le souvenir d’un geste.
La notion de mémoire musculaire ne doit pas être comprise en terme de stockage d’une information par le muscle lui-même.
Aussi les scientifiques préfèrent parler d’apprentissage moteur.
L’apprentissage moteur
Il existe un dialogue permanent entre nos muscles et notre système nerveux central. Les nerfs, prolongements des neurones sont le support de ce dialogue. Ils transportent l’information, pour les uns dans le sens neurones-> muscle, pour les autres dans le sens inverse. Nous obtenons ainsi un bouclage de l’information sous forme d’action-réaction.
Bouclage qui facilite l’apprentissage dans la mesure où il permet des affinements, lesquels sont aussitôt suivis d’un retour d’information.
Entre les neurones et le muscle se constitue une « unité motrice » constituée de plusieurs milliers de cellules nerveuses et musculaires. C’est à l’intérieur de ces unités motrices, là où se déroulent les échanges, que nous pouvons parler de mémoire musculaire.
L’avantage du dispositif d’apprentissage moteur est qu’il permet d’obtenir un comportement très qualifié qui grâce à un entraînement répétitif peut atteindre un certain degré d’automaticité.
Et c’est sur cette qualité de comportement et sur cette automaticité que nos coaches sportifs misent. Il faut obtenir une mémorisation optimale des gestes et la capacité de les reproduire en mode automatique.
À chaque enseignant alors d’organiser sa propre démarche pédagogique pour atteindre cet objectif.
Dans un article Wikipedia en anglais la mémoire musculaire est ainsi approchée. |
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« La mémoire musculaire est une forme de mémoire procédurale qui consiste à consolider une tâche motrice spécifique en mémoire par la répétition. Lorsqu’un mouvement est répété au fil du temps, une mémoire musculaire à long terme est créée pour cette tâche, ce qui lui permet finalement d’être effectuée avec peu ou pas d’effort conscient. Ce processus diminue le besoin d’attention et crée une efficacité maximale dans le moteur et les systèmes de mémoire. » |